Accès graves

Définition, généralités

La définition du paludisme grave d’importation reprend celle de l’OMS adaptée à un contexte de soin européen. Il est défini par la présence de Plasmodium falciparum (ou plus rarement d’une des autres espèces plasmodiales) et par une ou plusieurs manifestations clinico-biologiques définies pour l’adulte et l’enfant (voir tableaux des critères de gravité pour les adultes et pour les enfants).

En France, le paludisme grave d’importation concerne environ 15% des accès palustres et implique majoritairement Plasmodium falciparum (98,76 %), plus rarement Plasmodium vivax (0,56 %) ou Plasmodium ovale (0,56 %) et exceptionnellement Plasmodium malariae (0,12 %). Il n’est pas exceptionnel en zone d’endémie pour Plasmodium knowlesi.

La prise en charge du paludisme grave est une urgence diagnostique et thérapeutique. L’avis du réanimateur ou d’un infectiologue spécialiste de la maladie est impératif pour organiser cette prise en charge. La prise en charge thérapeutique est le plus souvent réalisée initialement en réanimation (mise en route du traitement, monitorage).

Le traitement curatif du paludisme grave d’importation repose maintenant sur l’artésunate par voie intraveineuse, qui doit être disponible dans chaque hôpital susceptible de recevoir ces patients (unité de soins intensifs, réanimation). La quinine intraveineuse est le traitement de seconde ligne qui reste d’actualité dans quelques circonstances (contre-indication de l’artésunate).

Les 2 avantages majeurs des dérivés de l’artémisinine sur les autres drogues actuelles dans le traitement de l’accès palustre sont :

  1. De réduire très rapidement la charge parasitaire (diminution de 104 par cycle)
  2. D’empêcher la cytoadhérence en bloquant très tôt le développement du parasite dans son cycle intra érythrocytaire (dès le stade trophozoïte)

La prise en charge symptomatique des défaillances d’organes peut avoir quelques spécificités. A ce jour, aucun traitement adjuvant n’a prouvé son efficacité.

Éléments d’épidémiologie du paludisme grave d’importation en France métropolitaine :

  • Les sujets d’origine africaine sont actuellement les plus nombreux
  • Les sujets d’origine caucasienne ont un risque supérieur pour la létalité
  • La chimioprophylaxie, même mal prise, est un facteur de protection pour la létalité
  • Chez l’adulte, la clinique se traduit souvent par des atteintes organiques multiples
  • Chez l’enfant, l’atteinte neurologique isolée est fréquente
  • La survie après traitement est le plus souvent sans séquelles (80-90% des cas)

En France métropolitaine, les 3 facteurs indépendants de risque de décès de paludisme grave d’importation en unité de soin intensif sont :

  1. Age du patient
    (par tranches de 10 ans d’âge en + OR (95% IC) 1,72 [1,28-2,32] p<0,0004)
  2. Parasitémie
    (par tranche de 5% en + OR (95% IC) 1,41 [1,22-1,62] p<0,0001)
  3. Score de Glasgow
    (par point en moins OR (95% IC) 1,32 [1,20-1,45] p<0,0001)

Le score de Glasgow reflète l’état clinique du patient à l’arrivée en réanimation D’après Bruneel F et al. Severe imported falciparum malaria a cohort study in 400 critically ill adults. PLoS One. 2010 

Tableau extrait de « Prise en charge et prévention du paludisme d’importation Mise à jour 2017 des RPC 2007 » rédigée sous l’égide de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF)

Tableau extrait de « Prise en charge et prévention du paludisme d’importation Mise à jour 2017 des RPC 2007 » rédigée sous l’égide de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF)

Physiopathologie de l’accès grave

L’accès palustre grave est presque toujours le fait de l’espèce Plasmodium falciparum. Cette espèce a émergée chez l’Homme en Afrique, à peu près en même temps qu’Homo sapiens. Elle s’est adaptée à notre espèce à partir d’un parasite de gorille.

Dans son cycle de développement érythrocytaire qui dure 48 heures chez l’Homme (multiplication asexuée du parasite dans les GR), le GR parasitée devient progressivement plus rigide. A partir de 24-36 heures de développement, les hématies parasitées sont devenues trop rigides pour passer le cap de la rate qui filtre le sang et qui contrôle notamment la déformabilité des éléments circulants. Cette adaptation n’a donc pu se produire chez l’Homme que parce que P. falciparum a trouvé un moyen d’échapper à ce piège. Ce moyen c’est sa capacité d’exporter à la surface du GR parasité des protéines lui permettant de s’accrocher à l’endothélium vasculaire pour poursuivre son développement sans avoir à passer par la rate. Ce phénomène s’appelle la cytoadhérence.

La cytoadhérence qu’est-ce que c’est ?

C’est une liaison type ligand-contre ligand (récepteur) entre des protéines du parasite PfEMP-1 (Plasmodium falciparum erythrocyte protein 1) exprimés au niveau des « knobs » à la membrane des GR parasités et divers récepteurs (dont ICAM-1 et CD36) exprimés à la membrane des cellules endothéliales vasculaires.

Localisation de la cytoadhérence ?

  • Les cellules endothéliales vasculaires sont présentes dans tous les vaisseaux
  • Importance de la vélocité (capacité de liaison et force de cisaillements)
  • Les capillaires = contact le plus prolongé avec de faibles forces de cisaillement

La cytoadhérence se produit dans tous les capillaires, mais avec une répartition inégale en fonction des tissus (cerveau >> autres organes)

Principales conséquences de la cytoadhérence

Les conséquences de cette cytoadhérence sont :

  1. Une hypoxie cellulaire
  2. Une acidose avec rapport lactate sur pyruvate élevé

S’associent à ce phénomène mécanique une réaction inflammatoire locale et, à terme de l’apoptose des cellules endothéliales avec pour conséquences une aggravation de l’hypoxie cellulaire et l’apparition de microhémorragies tissulaires.

L’aggravation brutale des patients qui se présentent sur leurs deux jambes aux urgences avec pour seul critère de gravité une parasitémie élevée est ainsi expliqué par cette bombe à retardement qu’est le phénomène de cytoadhérence spécifique de P. falciparum. Il est illustré par la figure suivante :